Aujourd'hui, comme chaque premier dimanche du mois, c'est la brocante d'Untxin, à Socoa.
Debout de bonne heure (mais pas tant que ça pour une chineuse!), à 9h, dans le froid du matin qui se réveille, je démarre mon petit tour d'horizon: toujours faire le tour, tout regarder, tout repérer, sans rien dire, sans s'arrêter, ... et m'arrêter pour prendre un café & réfléchir:
de quoi je me souviens? qu'est ce qui m'a marquée? mon coup de coeur, c'est quoi, où, combien?
Les billets dans la poche (5 bleus) doivent être judicieusement échangés contre des trésors.
Ma petite collection d'objets liés à la gourmandise et à la publicité se construit pas à pas, depuis ce premier coup à Portobello Market, ce mois d'août 1990: il faudra que je vous raconte et vous dévoile mes petits trésors...
Là, c'est bien parti pour débattre longuement face à mon p'tit noir:
j'ai vu un magnifique service d'assiettes basques, estampillées Sarreguemines, impeccables, sorties presque neuves d'un grenier abandonné; rien d'exceptionnel, ni les Floutier (rouge et noir), ni les Laffargue (le motif Ramuntcho), juste les classiques "saial" rayures rouges et bleues, le traditionnel service dit (oh santa Maïté) "Béarn", juste qu'elles sont absolument impeccables, seulement 50 euros pour les 3x6.
Non, j'ai envie d'autre chose que d'un achat raisonnable et pratique. J'en ai déjà des assiettes, bleues & rouges, il faudra mieux se réserver pour des Floutier & Laffargue, ces 2 artistes luziens du début de siècle, aux jolies scènes de l'âme basque; un autre jour.
Voilà, mon coup de coeur est là sur 2 objets, 2 Bascotilles comme j'aime.
Mon dilemme, c'est que je ne suis pas encore experte es Bascotilles au niveau des prix; je m'interroge.
La Pegarra Izarra,
avec son étiquette Izarra,
son étiquette des 7 provinces basques, marquée Lazpiak Bats sur le fond,
ses rubans, le basque & le français,
son bouchon:
elle est impeccable, ni égrenure, ni fèle, c'est la première fois que j'en croise une si complète, petite cruche en terre de sienne mate, des années 50.
Quinze euros; ne pas hésiter, y retourner illico, de peur qu'elle ne se sauve.
Pegarra, c'est quoi?
la cruche que les femmes portaient sur la tête, sur un coussinet, le burukoa, pour aller à la fontaine du village, agora récréative.
Chaque province basque a la sienne; le musée Del Cantaro, à Munilla dans la Rioja espagnole, en a une riche collection.
La marque Izarra en a fait un de ses objets phares pour sa promotion de l'époque: symbole de complicité, du quotidien usuel à l'art décoratif.
Très active en créations publicitaires dans l'après-guerre, Izarra a produit beaucoup d'objets et affiches, une vraie saga publicitaire, aujourd'hui bien cotée en chine.
L'image du basque exécutant la "makhila dantza" est un des chefs d'oeuvre de Paul Colin, et a largement contribué à la renommée de la liqueur Izarra.
Cette affiche date de 1961 et fera la joie d'un chineur pour 80 à 120 euros, selon son état.
Pour les collectionneurs d'aujourd'hui: une véritable icône de la basquitude...
L'artiste Paul Colin, (qui ouvre la première école d'affichistes en 1930, à voir au Musée de la Pub, ou aux Arts déco, comme j'aimais le faire dans ma vie antérieure de parisienne), avec quelques autres, avaient bien compris déjà à l'époque, entre les années 30 à 70, l'importance de l'objet dans l'imaginaire de la population locale et le formidable vecteur de communication du patrimoine basque hors communauté: la force identitaire de ces objets du quotidien.
Hier appelées Basqueries, avec un peu de mépris (comme le Jolhe gascon),
ces "choses du quotidien"
aujourd'hui, de plus en plus redécouvertes comme trésors de la mémoire populaire, de l'âme basque...
Bascotilles, comme bascarades, bascolifichets,
à l'origine un peu pacotilles, car objets souvenirs ou objets du quotidien désuet,
redécouverts car estampillés par les artisans de talents, Arrué, Tillac, le Tanneur, Lanusse, Lapeyre & autres Saez, parfois avec la complicité de marques ou des boutiques de réputation, telles Telleria-Adam, Pariés & autres chocolatiers, épiciers gourmets, etc ...
symboles d'authenticité, de tradition, voire d'exotisme pour le touriste, explorateur d'imagerie symbolique et révélateur de la force de l'héritage,
ou pour les collectionneurs, qui en cherchant le retour d'âme, exhument le bibelot et lui donne du sens!
Bref!
Bachelard disait "l'objet nous désigne plus que nous le désignons nous-mêmes,"
voilà, c'est exactement le concept de la Bascotille.
L'objet qui révèle l'âme basque.
J'adore cela, car souvent de jolis graphismes (j'adore les affiches publicitaires), un effet décoratif en toute simplicité, et toujours une évocation paysanne avec créativité artistique, bien souvent une invitation au rêve, à la curiosité, à l'escapade. Très Libellule, quoi!
Izarra, dans la langue basque, signifie "étoile"... comme Stella... toujours des histoires d'étoiles, en cuisine!
Quel malicieux clin d'oeil de commencer ma collection de Bascotilles par l'Izarra, avec cette jolie petite Pegarra... figure emblématique de la vie des paysannes.
Izarra, c'est quoi ?
Liqueur à base de plantes des Pyrénées et d'Orient, la recette de l'lzarra, mise au point par un passionné de botanique, Joseph Grattau, est immuable depuis 1835, ... et secrète.
(Tiens, comme la Bénédictine de mon pays natal...)
L'Ecomusée de Saint-Jean-de-Luz pourra peut-être nous en dire plus: il a les alambics d'origine.
Préparée avec des plantes aromatiques, graines, écorces et Armagnac, l'Izarra verte, est marquée par la menthe poivrée (Alcool à 48°).
L'Izarra jaune, aussi à base de plantes aromatiques, graines, écorces et Armagnac, dans une composition différente, se caractérise par les amandes amères, donc plus sucrée plus douce (Alcool à 40°).
Un air de famille avec Chartreuse, Bénédictine, Cointreau and Co ...
L'Izarra peut se boire nature ou bien on the rocks; par exemple, disons:
1/3 Izarra verte, 1/3 gin; allonger avec un soda,
1/3 Izarra jaune, 1/3 gin, 1/3 jus d'ananas,
1/2 Izarra verte, 1/2 Vodka.
Je préfère l'Izarra jaune, seule dans un tout petit verre, avec un sorbet citron.
Avec modération, of course.
Mon 2ème coup de coeur:
voilà un indice... Qui reconnait cet objet?
Je vous en parlerai dans une prochaine note!
45 euros pour ce trésor.
Bilan de la chine du jour:
il me reste 2 billets bleux sur les 5 de la mise initiale.
Je les mets dans la cagnotte pour la prochaine sortie, à Pâques.
Vous ne trouvez pas que je suis raisonnable?!
Pour en savoir plus:
le livre super intéressant Bascotilles édité par Atlantica de Biarritz.
Bible de la petite chineuse Stella & autres amateurs!
en quelque sorte, le Bénézit des amateurs de peintures ou le Cooks-Féret des amateurs de vin!
"La gazette de la brocante et des curiosités de la cote basque" a disparu?
quelqu'un peut me dire?
Les RV pour chiner Bascotilles & autres brocantes, sur la cote basque:
le premier dimanche du mois: les Puces de l'Untxin, près de Socoa à Ciboure,
le troisième dimanche: la brocante d'Ahetze, de l'infatigable défenseur des arts populaires basques Philippe Salquain,
(d'autres aussi, mais ces 2-là sont mes préférées),
et à noter encore, à Paques à Arcangues, un grand RV annuel depuis 2004, de qualité:
les Makilas de la brocante, du 7 au 9 avril 2007.
J'y serai, avec mes 2 billets bleux rescapés du jour,
donc à suivre au prochain épisode de mes escapades au pays de la chine de bascotilles.
Quelques brocanteurs dont j'aime bien surveiller les boutiques:
à Saint Jean de Luz:
Marin Ramuntcho, 4 r Dufourg, 05 59 26 14 85
Hourcadette Pierre, 39 bd Thiers, 05 59 26 92 54
Etxea Antiquités, 4 bd Thiers, 05 59 85 12 84
& alentours:
à Ciboure, Kaskarots, 15 quai Maurice Ravel, 05 59 47 30 06
à Ascain, Antiquités Rouffet-Goudier, chemin Chalkarraga, 05 59 85 91 22
sans oublier
Emmanuelle Domenet qui n'a plus sa jolie Malle à Julien rue Loquin, depuis fin 2004,
mais est très active sur internet & sur les marchés régionaux:
[email protected] 06 30 93 92 71.
Liste non exhaustive... il faut en garder pour le prochain festin!
en parlant de Festin, la revue trimestrielle aussi est une mine d'infos sur l'art basque (et autres patrimoines régionaux), belle édition d'Aquitaine.
Evidemment, les parisiens ou ceux qui seront au Salon de l'Agriculture, eux, ne manqueront pas la fameuse Foire à la Brocante & aux Jambons,
sur l'Ile des Impressionnistes de Chatou, du 9 au 18 mars, 01 34 80 66 00;
j'adorais cette foire dans ma vie antérieure de parisienne!
Tout cela ne vous a pas donné faim?
Pour se remettre de ses émotions de chineur, avec des gourmandises choisies,
on peut évidemment passer par:
le marché de producteurs locaux non loin de la chine, sur la place de la Poste,
chez Margot, sur la baie de Socoa, pour sa soupe de poissons et sa collection de bascotilles,
la ferme d'Ostalapia, à Ahetze, pour ses fameux piquillos, sa collection de tableaux autour de la cheminée, le tout avec une vue imprenable sur Ma Rhune,
ou encore au Moulin d'Alotz, pour les 2 macarons Michelins de Sarthou, avant de poser votre tee sur les greens d'Arcangues.